mardi 14 septembre 2010

Cet être splendide


L’image, à première vue, ne ressemble pas au cadavre, mais il se pourrait que l’étrangeté cadavérique fût aussi celle de l’image.
(…) Qu’on le regarde encore, cet être splendide d’où la beauté rayonne : il est, je le vois, parfaitement semblable à lui-même ; il se ressemble. Le cadavre est sa propre image. Il n’a plus avec ce monde où il apparaît encore que les relations d’une image, possibilité obscure, ombre en tout temps présente derrière la forme vivante et qui maintenant, loin de se séparer de cette forme, la transforme toute entière en ombre. Le cadavre est le reflet se rendant maître de la vie reflétée, l’absorbant, s’identifiant substantiellement à elle en la faisant passer de sa valeur d’usage et de vérité à quelque chose d’incroyable – inusuel et neutre. Et si le cadavre est si ressemblant, c’est qu’il est, à un  certain moment, la ressemblance par excellence, tout à fait ressemblance, et il n’est rien de plus. Il est le semblable, semblable à un degré absolu, bouleversant et merveilleux. Mais à quoi ressemble-t-il ? A rien.

« L’espace littéraire » M. Blanchot. Ed. Gallimard. 1955.