"Quittons donc cette nature terrestre à
laquelle nous étions si fort attachés ; une autre la domine qui nous est
largement inconnue et dont il est vain de vouloir donner un analogon. Ici la perspective de
Brunelleschi déclare forfait, l’optique renonce à ses droits, nous ne
connaissons pas le mode de perception qui serait utile en apesanteur, nous ne
savons pas même ce que les astronautes doivent reconnaître. Senteur, tactilité,
mouvement du corps : les sens ne nous sont rien. Nous avons seulement de
l’image, relayée par des caméras, des données numériques sur des écrans, sans
point de fuite, et illisible, voir indéchiffrable, pour qui n’est pas averti.
La distance que les procédés de la peinture et de la description littéraire se
plaisaient à maintenir et à gommer tour à tour est devenu un obstacle opaque,
nous ne pouvons même rêver aux paysages planétaires, tout juste pouvons nous
concevoir intellectuellement qu’il y a sans doute « quelque chose à
percevoir », mais par quel sens, par quelle démarche, avec quel outil
sensible, quelle prothèse ? La notion même de paysage est démontée, elle
qui devait son existence aux expériences conjuguées de la mathématique, de la
physique et d’une idée de la nature primitive à imager dans certaines
conditions".
« L’invention du paysage ». Anne Cauquelin. Puf.
« L’invention du paysage ». Anne Cauquelin. Puf.
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n°1 |
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n°2 |
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n°3 |
Je reste troublé par ces contacts de films argentiques sur papier photo plus particulièrement n°3 (Photographies NASA. Paris photo 2011), collés sur une grille incompréhensible, superpositions d’images, agencements complexes et annotés. Enfin, à l’extrémité les photos se détachent des repères, s’affalent, renoncent à la perspective. Nouveau monde, autres représentations. Du cubisme aux distorsions des jeux vidéos en passant par Google, la perspective que nous utilisons encore est prise de convulsions, ne proposant que des codes intermédiaires par défaut.
P.R
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